Le coach est déjà installé dans l’immense salon richement décoré de ce grand hôtel parisien à cinq étoiles. L’épais tapis, sur lequel sont disposés en îlots des tables et fauteuils cossus, absorbe les discussions et les pas des habitués.
La cliente arrive, avec grâce et ponctualité. Elle balaie du regard le salon et s’arrête sur la main qui s’agite. Elle croise le regard de l’homme qui lui fait signe. Elle s’approche et s’installe à son tour. Le garçon, qui lui emboîtait le pas, prend la commande et s’efface.
La cliente et le coach se sont déjà rencontrés quatre fois et c’est comme s’ils se connaissaient depuis des années.
Très vite, ils passent en revue les événements entre les deux séances. Elle décrit avec précision et un soupçon d’agitation le rythme trépident qu’elle vit, entre ses jobs de directrice de service et de mère de deux jeunes enfants. Toujours pas une minute à elle. Toujours tout planifié, cadencé, organisé. Mais maintenant, elle n’en peut plus. Le service s’est vidé de la moitié de l’effectif tandis que la charge s’accroit et que les recrutements piétinent. Par souci de loyauté vis-à vis de la boîte, du N+1 et de ses valeurs de travail bien fait, elle empiète sur son temps de sommeil, et grignote des minutes qui deviennent presque des heures à ses enfants qu’elle voit moins.
Mais qu’y peut-elle ? Elle n’a pas le choix !! Est-ce si certain ? Il faut bien que le job soit fait !! Pourtant l’équilibre vie pro-vie perso fait partie de ses objectifs ! Et c’est son N+ 1 qui les a signés ! Oui, mais renoncer à sa valeur de loyauté à son job, c’est renoncer à être elle-même ! …[Silence]…
Elle et son coach se perdent dans leurs propres pensées… L’émotion gagne. Puis il reprend la parole. Qu’est-ce qui est le plus important dans sa vie ? Ses enfants !!! C’est pour cela qu’elle trime ! Leur assurer des études ! Qu’ils réussissent dans la vie… Et la loyauté à ses enfants ? Peuvent-ils se passer d’elle ? Non ! Et elle ne souhaite pas non plus se passer d’eux. En fait, c’est comme si, pour acheter le bonheur espéré de ses enfants, elle leur volait le bonheur présent, comme si la loyauté au travail parfait l’emportait sur la loyauté aux enfants… FLASH !!
Le projecteur éblouit la réalité d’un jour nouveau. Il faut arrêter cela tout de suite ! Aligner les réalités temporelles aux priorités essentielles de sa vie. Continuer de vouloir bien faire mais dans un temps contraint, qui permette de bien faire le reste.
Dès lors, le problème glisse. « Comment faire plus » devient « comment faire autrement », « comment faire suffisamment ». Accepter, démontrer les limites. Chercher d’autres ressources. Y consacrer du temps, de l’énergie, de l’intelligence.
Elle remercie le coach, puis elle part. Elle a déjà changé. Sa démarche n’est plus la même. Quand elle reviendra, un mois plus tard, à la même table, elle aura déjà bougé des choses, pris des rendez-vous avec ses enfants et tenu ses engagements envers eux… Et le travail se fait quand même, un peu moins par elle, un peu plus par les autres, un peu plus de délai, un peu plus de conscience collective.