Naïveté managériale

Certains managers tiennent pour acquis que le contrôle est la clé du management. A ceux qui leur rétorquent que « si tu me contrôles, c’est que tu ne me fais pas confiance », ils répliquent cette fameuse phrase « la confiance n’exclut pas le contrôle, elle s’en nourrit », ignorant la plupart du temps qu’elle a été prononcée d’abord par un certain … Lénine. Aujourd’hui encore, le mot «Surveillant chef de service » désigne un responsable encadrant du personnel dans le milieu des services de soins.

Cette forme de contrôle, surveillante, suspicieuse, principalement orientée sur les faits et gestes des collaborateurs, est consommatrice de temps et d’énergie. Parfois, elle utilise des relais au sein de l’organisation qui viennent compléter le contrôle limité de celui qui ne peut être omniprésent. Ces pratiques sont répandues dans les régimes totalitaires. Et il y a des régimes totalitaires dans des organisations plus petites que les états, comme les entreprises, les administrations, les associations, … De telles pratiques montrent aujourd’hui leurs limites. Très vite, ce management inspire la peur. Peur de prendre une initiative, peur de mal faire, peur d’être dénoncé, peur d’être l’objet de représailles, … La peur est rarement un agent de motivation positive, d’engagement libre. C’est plutôt une source de contrainte, de stress inhibant. Son efficacité est réelle, mais pas forcément durable car elle inspire le dégoût, le rejet, jusqu’à la révolte.

Comme une alternative à cette politique dont la performance est douteuse, faire confiance a priori peut sembler relever d’une sorte de naïveté inconsidérée. Combien de fois a-t-on entendu, et parfois à juste titre : « si vous faites confiance à vos collaborateurs sans les contrôler, vous allez vous faire avoir. Ils vont profiter de la situation et vous berner. » Certes, si la confiance devient aveugle, elle favorise une forme d’intelligence où le moindre effort aura ses heures de gloire, dans un processus endémique croissant : « moins j’en fais, moins on me le reproche, donc moins j’en fais ».

On le devine, il y a certainement une voie plus juste entre ces deux positions. C’est ce que j’appelle la « naïveté managériale ». Elle consiste, pour le manager, à faire confiance a priori, tout en demandant raison de cette confiance à celui ou celle à qui elle est accordée. Il ne s’agit plus de surveiller, de contrôler « par-dessus l’épaule », ou pire, dans le dos, mais de s’intéresser aux comptes qui sont rendus par le collaborateur. Encore faut-il lui demander de quelle façon il entend rendre compte de cette confiance accordée, et tomber d’accord sur les modalités. C’est tout le sens du mot « responsabiliser », à savoir faire « répondre de sa charge ». Un acte éminemment managérial !

Facebook
Twitter
LinkedIn